Cette année pour Pâques, contrairement aux années précédentes où je me partageais entre les célébrations de la Semaine Sainte en Français et celles en Vietnamien, j’avais décidé de vivre toutes les célébrations à la paroisse vietnamienne de notre quartier. De manière générale, au niveau de la forme, les célébrations vietnamiennes ne sont pas très différentes de celles qui sont célébrées en Europe. Il n’y a pas de rite vietnamien particulier. On utilise le rite romain, une messe dominicale dure à peu près une heure. Cependant, les Eglises sont toujours bien remplies (au minimum 800 personnes à chaque messe dominicale (il y en a trois !)) et la liturgie est soignée.
Les enfants de choeur sont nombreux, ils sont vêtus de beaux vêtements rouges et blancs. Chacun d’eux sait ce qu’il a à faire durant la célébration et ce petit monde s’y attele avec plaisir et solennité. Les femmes qui viennent faire la lecture sont en habit traditionnel (l’ao dai) et les hommes en costume-cravatte. Il en est de même pour les membres de la chorale. Le prêtre revêt toujours une chasuble. Dans l’assemblée, les enfants sont en chemise blanche et pantalon ou jupe bleue. Ils portent un foulard dont la couleur varie en fonction de leur âge et de leur classe de catéchèse. En clair, les vietnamiens ont un sens inné (et acquis !) de la beauté et solennité de la liturgie.
La liturgie de la Semaine Sainte est globalement « classique », si je puis dire. A la veillée pascale, comme chez nous, on commence par la liturgie de la lumière (le feu à l’extérieur de l’Eglise, l’Eglise dans l’obscurité et l’entrée avec le Cierge pascal en chantant « Lumière du Christ ») et puis vient le chant de l’Exultet, les cinq lectures,... La célébration la plus originale a lieu le vendredi saint. Après le lavement des pieds célébré comme partout ailleurs dans l’Eglise universelle, il y a une seconde célébration qui consiste en l’enterrement de Jésus à la manière dont on célèbre les enterrements selon le rite vietnamien. La célébration commence par un jeu scénique de l’arrestation de Jésus, organisé par les jeunes sur le perron de l’Eglise. Ensuite, tout le monde est invité à rentrer dans l’Eglise et à rêvetir un bandeau blanc sur la tête en signe de deuil. Les personnes âgent méditent alors sur les stations du chemin de croix à la manière traditionnelle, en psalmodiant très langoureusement. Cette partie de la liturgie dure plus de deux heures et j’avoue que si je n’avais pas été au milieu de l’assemblée, je n’aurais pas tenu jusqu’au bout. Certains assistent à toute cette liturgie alors que d’autres ne viennent que vers la fin. A la fin de la méditation, on détache Jésus de la croix et on le met dans un sarcophage en verre. Son corps est en partie recouvert par du riz soufflé ; le riz soufflé étant utilisé comme substitut d’autres substances qu’on met traditionnellement dans le sarcophage avec le corps du défunt pour éviter que le corps ne sente, tel du thé ou du café ou de la cannelle.
On part alors en procession jusqu’à la crypte de l’Eglise où le Christ est vénéré. Les gens s’agenouillent et baisent les pieds du Christ et la tradition veut qu’on puisse reprendre avec soi une partie du riz soufflé et le manger ! Ensuite, on veille le corps pendant encore plusieurs heures. Les différents groupes de la paroisse se succèdent et prient toutes sortes de litanies et de chants.
J’ai été heureux de prendre part à toutes les célébrations liturgiques de la Semaine Sainte en Vietnamien. Je continue d’être impressionné et encouragé par la foi des vietnamiens. Certes la société vietnamienne évolue rapidement et le consummérisme est aussi présent dans la société et l’Eglise du Vietnam. Même dans une Eglise dynamique, il faut continuellement être vigilant et créatif pour que l’Evangile continue d’être pertinent dans le quotidien des gens. La liturgie est un des aspects qui doit nourrir la foi chrétienne mais il y en a d’autres : la vie de prière personnelle, l’amour vécu dans le couple et dans la famille, la charité envers les pauvres,... Il n’est pas facile de nourrir tous ses aspects de la vie chrétienne. Les chrétiens sont une minorité et être différent dans sa manière de vivre au quotidien n’est pas évident. Chaque jour, il faut être prêt à réaccueillir le Christ dans sa vie. Mort et Résurrection sont une dynamique qui doit imprégner chaque jour de nos vies. Puisse Dieu continuer à nous encourager dans cette voie !