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29 août 2023 2 29 /08 /août /2023 08:59

A plusieurs reprises dans les Actes des Apôtres, Saint Paul et ses compagnons dans leur aventure missionnaire, sont forcés de changer leurs plans. Ils voulaient aller en Asie (!) mais « l’Esprit ne le leur permit pas » (Actes 8, 39 et 16, 6). Sans se laisser démonter, ils partirent ailleurs. Jésus lui-même dans sa mission est sans cesse confronté à l’inattendu. Il a confiance, car derrière cette inconstance du quotidien, la Providence, elle, guide les pas de ceux qui mettent leur confiance en Dieu. Il y a quatre mois, j’ai dû quitter le Vietnam pour des raisons qui en partie m’échappent encore. Après seize ans de présence, il a fallu tout laisser derrière moi. A dire vrai, j’ai été peiné par l’hypocrisie des autorités locales qui m’ont semblé compréhensives de prime abord par rapport à ma situation d’étranger en mission au Vietnam depuis tant d’années (le Vietnam ne délivre pas de visa officiel pour les missionnaires, il nous faut donc trouver des solutions alternatives pour l’obtention du visa), mais qui au bout d’un mois ont décidé abruptement qu’il me fallait quitter le Vietnam de toute urgence. Ce fut un choc pour moi et pour ma communauté, et ce pour diverses raisons : j’étais le supérieur du pays, j’étais le dernier spiritain étranger y travaillant, et je faisais partie de l’équipe pionnière de la mission au Vietnam.

Ma plus grande joie au Vietnam aura été de former des jeunes à la vie missionnaire.
Ma plus grande joie au Vietnam aura été de former des jeunes à la vie missionnaire.
Ma plus grande joie au Vietnam aura été de former des jeunes à la vie missionnaire.

Ma plus grande joie au Vietnam aura été de former des jeunes à la vie missionnaire.

Positivement, j’ai apprécié énormément de choses au Vietnam. J’y ai découvert une Eglise extrêmement dynamique, où la vie consacrée notamment est très vivante. Prêtres, religieux, religieuses sont des gens profondément donnés à leur ministère. Les religieux se lèvent très tôt (bien avant 5h du matin), ils sont fidèles à la messe et à la prière commune. Ce sont des gens qui prennent au sérieux leur idéal de chasteté (le célibat consacré), ils vivent simplement (hormis la nourriture, qui, elle est toujours abondante) et bien des congrégations (surtout les sœurs) sont engagées auprès des plus fragiles de la société : les personnes handicapées, les orphelins et les minorités. Les laïcs m’ont impressionné par leur générosité et le respect et l’amitié qu’ils témoignent aux personnes consacrées, ainsi que leur piété, notamment la piété mariale, ainsi que le soin qu’ils apportent aux chants et aux prières jaculatoires. J’ai admiré aussi ce peuple très courageux, travailleur et entreprenant. Le pays est aussi magnifique et varié. Les rizières de la plaine ou des collines, les gigantesques cours d’eau, la côte maritime qui borde le Vietnam, les villes grouillantes et la vie paisible à la campagne rythmée par le travail de la culture du riz, les marchés qui abondent de fruits et légumes,… J’ai sillonné ce pays du Nord au Sud, et je ne m’en suis jamais lassé.

J’ai accompagné les frères en formation pendant la presque totalité de ma mission au Vietnam et ce sont des gens qui m’ont énormément apporté par leur simplicité, leur joie de vivre, leur générosité, eux qui comme moi ont donné toute leur vie pour le Christ et l’Eglise, leur esprit de service, … Ils ont parfois souffert un peu de mon tempérament orageux mais j’ai toujours eu de l’estime pour eux et ils l’ont senti et me l’ont bien rendu.

Enfants handicapés, personnes dans la précarité, ils m'ont accueilli avec générosité.
Enfants handicapés, personnes dans la précarité, ils m'ont accueilli avec générosité.

Enfants handicapés, personnes dans la précarité, ils m'ont accueilli avec générosité.

Malgré ce tableau idyllique mais néanmoins authentique, je dois dire qu’après seize ans de mission au Vietnam, j’aspirais à de nouveaux horizons, pour des raisons inhérentes au contexte vietnamien. La langue, tout d’abord, a été ma meilleure amie et ma meilleure ennemie, tout à la fois. Comme étranger, j’ai atteint une maitrise du Vietnam que je n’ai que très rarement rencontrée chez mes pairs étrangers. L’immense majorité des étrangers ne parle pas le vietnamien, et c’est aussi vrai pour des milliers d’entre eux qui vivent au Vietnam depuis des années et sont mariés à des Vietnamiennes ou Vietnamiens (ce cas étant plus beaucoup plus rare). Le Vietnam est une langue tonale et peu de gens s’y font. Maintes fois, les Vietnamiens ont été admiratifs de ma connaissance de la langue et de mon usage des tons. Et pourtant…, pour quelqu’un qui a passé seize ans au Vietnam, je ne me suis jamais senti à l’aise dans cette langue, les accents que je me targue d’utiliser à escient, sont en réalité loin d’être parfaitement clairs et compréhensibles pour tous. Et surtout, surtout, ma compréhension à l’audition a toujours été fort en deçà de ce que j’attendais. S’il est vrai que je peux avoir une conversation assez approfondie avec une minorité d’amis et de gens qui parlent très clairement et qui font l’effort de parler plus lentement qu’à l’accoutumée, en revanche, lorsque les gens parlent à bâtons rompus ou qu’ils abordent un thème qui ne m’est pas familier, je suis complètement perdu. Après quelques années, j’espérais que ce problème allait peu à peu s’estomper. Aujourd’hui, j’ai perdu mes illusions et ce depuis longtemps. 

La vie missionnaire est aussi physiquement éprouvante. Lorsqu’on vit en permanence dans un climat tropical, qu’on se lève à 4h15 du matin un jour sur deux au gré des messes à dire à l’extérieur (pour les sœurs ou en paroisse), qu’on habite dans une mégapole de plus de dix millions d’habitants, sans verdure, en étant assailli constamment par des milliers de scooters, qu’on mange du riz matin, midi et soir (enfin là j’exagère un peu…), on s’aperçoit qu’on brûle la chandelle par les deux bouts, comme le font les vietnamiens dont l’espérance de vie dépasse rarement les 75 ans… Les vacances au pays sont pour cela bienvenues et nous rappellent qu’en d’autres contrées, on peut faire des nuits de 8h, manger une alimentation équilibrée, faire de grandes balades dans la nature au calme et sans transpirer…

Amitiés de longue date ou visiteurs inattendus, le missionnaire donne autant qu'il reçoit.
Amitiés de longue date ou visiteurs inattendus, le missionnaire donne autant qu'il reçoit.
Amitiés de longue date ou visiteurs inattendus, le missionnaire donne autant qu'il reçoit.

Amitiés de longue date ou visiteurs inattendus, le missionnaire donne autant qu'il reçoit.

Le manque d’insertion dans l’Eglise locale a été une frustration majeure dans mon expérience missionnaire au Vietnam. L’Eglise au Vietnam est extrêmement dynamique, comme je l’ai souligné, mais elle vit aussi en profonde autarcie et revendique son autonomie. Certes, historiquement, l’Eglise du Vietnam qui a été évangélisée il y a près de 500 ans, a été sous la tutelle des missionnaires étrangers jusqu’en 1954 au Nord du Vietnam et en 1975 pour l’ensemble du Vietnam. Elle s’est brutalement affranchie de ses attaches occidentales avec l’installation du régime communiste et l’expulsion des étrangers, y compris des missionnaires. Aujourd’hui, bien que le pays soit sous toujours sous régime communiste, les relations entre l’Eglise et l’Etat se sont fortement apaisées dans la plupart des régions du pays. Il y a quelques jours, d’ailleurs, le Vietnam a signé des accords avec le Saint-Siège pour que le Nonce apostolique qui jusqu’ici résidait à Singapour, et se rendait régulièrement au Vietnam, puisse s’installer officiellement et durablement à Hanoi. Malgré cette évolution favorable de la liberté religieuse (il reste des tensions entre l’Eglise et l’Etat dans certaines régions du pays et sur des points particuliers), les missionnaires d’aujourd’hui sont tolérés par les évêques et l’Eglise diocésaine en général, qui sont d’ailleurs généralement très aimables avec les missionnaires, mais ils ne sont jamais vu comme des collaborateurs actifs de l’Eglise locale. Jamais, au grand jamais, un évêque ne m’a demandé quel était le charisme de notre congrégation et en quoi notre congrégation pouvait contribuer au développement de l’Eglise locale. Jamais un évêque ou un prêtre ne m’a invité à travailler dans son diocèse ou dans sa paroisse. Ils se sont toujours réfugiés derrière un appel à la sacro-sainte prudence, dans un contexte politico-religieux sensible, nous enjoignant comme missionnaires à rester très discret et donc en retrait. En réalité, cette frilosité de l’Eglise diocésaine ne se limite  malheureusement pas à ses relations avec les congrégations étrangères. Les religieux vietnamiens sont trop souvent considérés comme une main d’œuvre au service des besoins pastoraux diocésains, indépendamment de leur charisme propre. On voit ainsi de nombreuses congrégations religieuses vietnamiennes gérer des paroisses lorsque les évêques sont en manque de bras et être remerciés lorsque le nombre de prêtres diocésains est suffisant pour les remplacer. Ce manque de collaboration avec l’Eglise locale confine, de fait, les missionnaires étrangers à des rôles internes à leur congrégation. En seize ans de présence, j’ai donc été formateur pour nos propres frères pendant 14 ans et supérieur ces deux dernières années. Certes, j’ai pu célébrer des messes en vietnamien ici et là et faire de la catéchèse, des mariages, des baptêmes ou enterrements pour la communauté étrangère, mais je n’ai jamais eu d’engagement sur le long terme au service d’une pastorale vietnamienne, et ce n’est pas faute d’avoir demandé…

Ces deux dernières années, j'ai pu passer deux séjours d'un mois en Inde, une expérience inoubliable...
Ces deux dernières années, j'ai pu passer deux séjours d'un mois en Inde, une expérience inoubliable...
Ces deux dernières années, j'ai pu passer deux séjours d'un mois en Inde, une expérience inoubliable...

Ces deux dernières années, j'ai pu passer deux séjours d'un mois en Inde, une expérience inoubliable...

Comme supérieur des communautés du Vietnam et de l’Inde, j’ai eu la joie de découvrir une nouvelle responsabilité et de faire le lien entre les différentes communautés. Bon organisateur, j’ai apprécié les réunions et projets définis avec mes confrères et les nombreuses célébrations qui égaient l’année : premiers vœux, vœux perpétuels, ordinations, fêtes de nos fondateurs, temps de retraite ou de vacances communautaires,… mais j’ai été aussi confronté à un individualisme prononcé de pas mal de confrères pour qui les projets personnels passent avant l’intérêt de la communauté. J’ai essayé de dialoguer avec chacun et me suis parfois senti bien impuissant lorsqu’un confrère, essentiellement par immaturité ou défense de ses intérêts personnels, n’en faisait qu’à sa tête. Beaucoup de mes confrères vietnamiens (et indiens) me respectaient malgré le fait que je sois un étranger. D’autres semblaient n’attendre qu’une chose, que je passe la main. C’est le propre de tout groupe humain que d’avoir des tensions en son sein. Ne nous imaginons pas que l’esprit évangélique balaie d’un revers de la main les méandres de notre psychologie humaine. L’idéal de la fraternité est ce qu’il est : un idéal, sans cesse à retravailler, à nourrir, parfois à faire renaitre de ses cendres.

Aujourd’hui, je suis à un carrefour de ma vie. Je repars vers un autre horizon, toujours en Asie. Je ne sais pas pour combien de temps je m’engagerai dans un pays voisin du Vietnam, mais je pense qu’il faut toujours regarder l’avenir avec optimisme, avec courage, avec enthousiasme et aussi avec réalisme. La vie missionnaire est un mixte de passion et de routine, de joie, d’émerveillements  mais aussi de frustrations qui peuvent parfois frôler l’amertume. Il est bien qu’il en soit ainsi. Prêtres et religieux, nous sommes des humains comme les autres, mais notre joie, c’est de mettre notre espérance en Dieu car à tout moment Dieu fait des merveilles et Saint est son Nom !

A bientôt pour de nouvelles aventures dans un pays dont je garde le nom encore secret…suspense !

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